Pendant deux mois, les ‘Chroniques de l’Après’ ont éclairé les effets de la période bouleversante que nous avons traversée lors de la première vague de la pandémie de Covid-19. Avec humilité et humanité, elles nous ont invités à réfléchir, en tirer les enseignements, ouvrir de nouvelles voies. Par cet espace de libre expression offert à des acteurs du système de santé très variés, Madis Phileo a contribué à la nécessaire redéfinition de certaines missions et pratiques des industries et du monde de la Santé. Une volonté de prendre date pour ne pas oublier. Pour que ce qui ne devait plus être comme avant, change réellement. #PlusCommeAvant
Les économistes de la santé distinguent soigneusement les politiques visant au rationnement et celles visant à l’efficience. Pour les premières, les dépenses de santé étant en grand partie mutualisées (surtout en France), elles doivent être contrôlées à l’euro près. Stabiliser, voire baisser, la dépense est bon en soi. Pour les secondes, la question est moins celle du niveau de la dépense que de leur utilité économique et sociale, y compris à long terme. Le rationnement veut obtenir des résultats financiers tout de suite. L’efficience prépare le futur en évitant les gaspillages.
Si l’on rationne plus souvent que l’on investit intelligemment, c’est parce que c’est plus facile et parce qu’on en voit tout de suite les effets. Malheureusement, à long terme, le rationnement se paie par une dégradation de la qualité des soins et du bien-être des soignants. Pourvu que cette crise nous aide à le comprendre.
Pour passer du rationnement à l’efficience en mettant par exemple davantage l’accent sur la prévention, il faut être capable de faire deux choses :
valoriser l’avenir et pas seulement le présent, accepter que les dépenses de santé puissent être élevées, voire très élevées. Pourquoi le refuser si c’est utile ?
Les études académiques montrent que, au niveau microéconomique, les individus valorisent la santé, considérant prioritaire de dépenser pour protéger leur santé ; au niveau macroéconomique, la santé est un facteur de croissance car une meilleure santé populationnelle permet davantage d’investissements en capital humain.
N’ayons pas peur de dépenser beaucoup, si et seulement si ces dépenses sont intelligentes, c’est-à-dire qu’elles servent à construire l’avenir.
L’extension donnée au « concept de Santé », depuis la fameuse définition qu’en a donné l’OMS en 1946, confère aux acteurs de la recherche médicale et technologique une mission longtemps réservée aux seuls philosophes : élucider le sens et les obligations imposées par « l’état de complet bien-être physique, mental et social » qui désigne la Santé. Après cette crise sanitaire, comment répondre à cette injonction de bien public, nous qui sommes si impliqués dans la politique de la recherche et la santé du futur ?
D’abord, en postulant que la science, et non pas l’opinion dépourvue de raison, est à même de répondre à « l’exigence de bonheur » attendue du public en matière de santé. Il convient donc de raisonner sur ce que l’on sait par la science, et non pas sur ce que l’on croit. N’est-ce pas la meilleure façon de s’éloigner des idées reçues, des idéologies dogmatiques, de l’obscurantisme ?
Ceci passe par un plus grand partage de la connaissance.
Ensuite, jouer la carte des coopérations et de la solidarité : dans un contexte où les innovations de tous ordres bousculent le statu quo et contestent les frontières, la distribution entre responsabilités individuelles et responsabilités collectives est constamment à réviser.
Enfin, charge à nous qui travaillons dans la santé, d’expliquer (clairement) au grand public comment les chercheurs, publics et privés, les praticiens, certains patients eux-mêmes et les politiques contribuent à répondre aux besoins de la population. N’est-ce pas la meilleure façon, après évaluation, de faire connaître la portée et les conséquences que permettent les progrès scientifiques et techniques ?
À l’encontre des conservatismes, de la pensée unique, et des “fake news”, c’est notre responsabilité éthique.
Si l’on s’en tient à la définition de l’OMS, la santé est « un état de complet bien-être physique psychique et social ». Si l’on veut faire évoluer la santé, il faudra commencer par réconcilier ces 3 mondes que l’on a sciemment, techniquement, budgétairement et politiquement séparés.
De la médecine, on peut considérer cinq séquences distinctes :
Si nous voulons une population en bonne santé, nous devons remettre en cause notre éducation médicale, à l’école comme dans la vie quotidienne, changer de perception philosophique sur notre propre responsabilité et nos choix d’êtres humains libres et en devenir. Nous devons accepter que la mort de l’être vivant soit programmée dès sa naissance dans son statut biologique.
Il faut des choix politiques qui devront être débattus, démocratiquement.
Durant la pandémie, le contournement intelligent par les acteurs de règles inadaptées a prouvé la nécessité vitale pour le système de santé d’en reléguer certaines dans un cabinet de curiosités. Face à l’empilement des normes, ayons deux idées simples :
Notre organisation fondée sur l’autorisation et le contrôle devra passer à un modèle fondé sur la déclaration et la responsabilité.
Une liberté complète de coopération décentralisée à l’initiative des acteurs
Que les coopérations entre acteurs de santé s’organisent librement et soient simplement déclarées au régulateur, sans autorisation ou approbation préalable ! Trois éléments de base devraient y figurer : choix de créer ou non une personnalité juridique, un budget clair et traçable, une évaluation objectivable. Ces coopérations de gré à gré, même pour les hôpitaux publics, sans procédures factices, pourraient faciliter par exemple la commande mutualisée entre public et privé de stocks de précaution, le partage d’équipements lourds ou l’armement de lits supplémentaires.
Un pilotage par objectifs et par territoires
La planification pointilliste fondée sur le triptyque autorisation/visite de conformité/accréditation des process doit céder le pas à un pilotage par appel à projets /autocontrôle/certification des résultats. Les couches successives de projets et CPOM seraient remplacées par des appels à projet globaux sur objectifs de santé publique, dans un bassin de santé, destinés à des équipes plurielles des trois secteurs ville/hôpital public et privé/médicosocial. À elles de proposer l’offre adaptée aux besoins, de s’engager sur des résultats mesurables puis d’en déduire les activités comme moyen d’y parvenir.
Les laboratoires pharmaceutiques sont perçus comme des entreprises concentrées sur leurs profits, qui déposent des brevets pour sécuriser les marchés de leurs nouveaux traitements afin de limiter la concurrence pendant plusieurs années. Si la notion d’exclusivité commerciale est réelle, elle est surtout indispensable pour solvabiliser une Recherche toujours très longue et attirer des investisseurs qui auront pris des risques importants en cas d’échec.
Cette force de frappe de compétences et de moyens a fait faire des progrès formidables à la recherche médicale. Mais ce modèle économique se conjugue à un devoir de responsabilité et au sens de l’urgence.
Depuis le début de la crise du Covid-19, on assiste à une mobilisation unique des acteurs de la recherche pharmaceutique. A fin avril, en à peine quatre mois, ce sont plus de 1 200 essais cliniques qui ont démarré pour de potentiels traitements et 94 candidats vaccins qui sont développés. Les groupes pharmaceutiques et les biotechs ont mobilisé d’importantes ressources. Ils ont su collaborer avec les équipes académiques, mais, plus nouveau, mettre en place des coalitions avec leurs propres concurrents, s’attelant à un défi tel qu’aucune alliance ne pouvait être impossible.
La mise à disposition rapide d’un traitement pour le plus grand nombre est leur préoccupation majeure. Ils anticipent très tôt les besoins en capacités de production et nouent d’autres partenariats avec des fabricants. Ils n’hésitent pas à investir à risque pour assurer la disponibilité du traitement sitôt son efficacité confirmée. Ce faisant, ils soulignent l’importance d’une maîtrise du coût de traitement pour rendre son prix accessible à tous.
C’est cette dynamique, pour mobiliser nos énergies et apporter des solutions innovantes à tant de malades qui n’ont pas de traitements satisfaisants, qu’il faut pérenniser.
La défiance à l’endroit de l’industrie pharmaceutique connaîtra-t-elle un avant et un après crise du Coronavirus ? En agissant comme un révélateur de la capacité de mobilisation des acteurs de la santé, on est en droit d’espérer que cette crise éclaire d’un jour nouveau des engagements sociétaux souvent méconnus et pourtant ancrés.
À chacun d’entre nous, le temps de l’urgence a imposé la nécessité, la gravité et la suspension de la normalité. Les acteurs de la santé se sont retrouvés en première ligne. Pour assurer la continuité d’activités reconnues comme essentielles et garantir l’approvisionnement en matériel médical et médicaments recommandés, notamment pour le traitement du Covid-19, UPSA, comme bien d’autres entreprises, s’est adapté et a fait face.
Au-delà et à rebours de l’image d’un entre-soi, notre filière s’est aussi mobilisée pour faire société et s’inscrire dans l’élan de solidarité qui, de l’échelle locale à l’échelle nationale, a recherché dans le collaboratif de nouvelles formes de réponses concrètes à la crise. Nous avons notamment répondu présent au mouvement citoyen d’entreprises Tous confinés, tous engagés qui a permis à plus de 170 organisations de mobiliser leurs collaborateurs pour l’intérêt général pendant le confinement, et même au-delà.
Saluer cet effort de mobilisation, c’est reconnaître l’engagement et l’esprit de coopération de toutes celles et tous ceux qui y ont participé – entreprises, mais aussi collaborateurs – et souligner la raison d’être qui le sous-tend. C’est aussi ancrer notre légitimité et donner de l’écho à notre utilité profonde en tant qu’acteurs indispensables de l’écosystème de la santé.
C’est enfin, nous voulons croire, changer durablement le regard porté sur notre secteur et nos métiers.
Face à la crise, il faut collaborer. Si certains ont eu quelque pudeur à l’admettre, la pression des événements n’a pas tardé à leur faire comprendre qu’il n’y avait pas d’autre alternative, d’abord et avant tout pour la vie des patients.
Submergés par la même vague que nos autorités, nous avons dû assurer la continuité d’approvisionnement, entre autres, des curares et de certains anti-infectieux, médicaments vitaux en surconsommation dans les services de réanimation, et dont la demande mondiale a explosé au même moment. Dans cette “compétition” internationale, produire et importer en France relevait du défi. Avec agilité, nos équipes se sont mobilisées dans l’urgence, jour et nuit. Mais, soyons humbles, ce n’est que par une vraie collaboration que nous avons pu réussir : avec les autorités de santé et le Gouvernement, main dans la main, en ayant la volonté de trouver ensemble les solutions. Cet exemple vaut pour les industriels du médicament et ceux du dispositif médical, soumis aux mêmes impératifs d’approvisionnement, et qui ont fait preuve d’une incroyable réactivité et agilité pour répondre aux besoins.
De ces collaborations inédites dans la résolution des problèmes, tirons les enseignements pour l’avenir. La fiabilité de l’industrie et la confiance qu’on lui fait ne valent pas qu’en cas de crise. Il est temps d’établir un nouveau contrat de confiance entre les parties prenantes : autorités de santé, administrations, professionnels de santé, représentants de patients et industriels.
Nous sommes un acteur de santé publique au même titre que les autres avec des expertises complémentaires de celles du monde académique : innovation, recherche de haut niveau, production industrielle fiable et réactive, entre autres.
Pour les patients et le système de santé, l’industriel fait toujours partie de leur solution.
Plus rien ne sera comme avant ! » Cette phrase, nous l’avons lue, entendue, peut-être même prononcée. Le Covid-19 serait donc annonciateur d’une inéluctable révolution copernicienne, où toutes les certitudes du monde d’avant seraient remplacées par un univers d’innovations né de nos peurs et de notre incroyable fragilité. Les mêmes qui nous ont raconté que les masques étaient inutiles, certifié que l’on avait bien anticipé cette « vilaine grippe », asséné que l’on pouvait voter et se rendre dans les supermarchés mais point sur les plages, interdit la promenade à vélo mais finalement donné 50 € pour en réparer un, coloré la France en vert et rouge pour rouvrir ou non les jardins publics, les mêmes, donc, nous disent : « Plus rien ne sera comme avant ! ». J’en doute.
Dans l’histoire humaine d’abord, aucun cataclysme, aucune météorite, peste noire, guerre de cent ans ou de six jours, sang contaminé, ni aucun régime politique n’ont pu entraver la loi Darwinienne de l’évolution de l’espèce, de l’innovation et du progrès. Croire en la vie, c’est croire que créer, inventer, trouver est dans l’ADN de l’Homme, que c’est là son salut pour survivre à son propre désastre écologique. Plutôt que de suggérer des solutions pour vivre heureux confinés, dans la distanciation sociale ou derrière un masque, il est heureux que nos chercheurs, ingénieurs et créateurs se consacrent à inventer un vaccin contre le SARS-Cov-2, un anti IL6 contre l’orage cytokinique ou un inhibiteur de l’ARN polymérase. C’est précisément là où l’on attend l’industrie pharmaceutique, son rendez-vous à ne pas manquer. La solution sera collaborative, translationnelle, internationale, produite par une intelligence collective qu’il y a urgence à réconcilier.
Ensuite, parce qu’il y a la même absurdité à imaginer l’entreprise par la distanciation virtuelle qu’à imaginer l’amour par les réseaux sociaux. Pourquoi ? Parce que l’Homme est un animal social, kinesthésique, doué d’une intelligence émotionnelle basée sur le rapport à l’autre. Utiliser le Covid-19 pour faire croire au nouveau modèle de société, reposant sur le “home work” et le “webinar”, ne survivra pas longtemps à l’instinct social de l’espèce humaine.
Enfin, parce que le principe de réalité s’impose toujours à celui de Vérité. Dans une société en proie au doute et à la peur, celui qui détient le pouvoir est celui qui détient l’information, présumée juste, donc le savoir et la Vérité. Mais cette Vérité n’est faite que pour être contredite par une réalité constatée que nul ne peut vraiment prévoir. C’est donc la connaissance du réel, c’est-à-dire du présent, qui doit guider nos choix. Ce bon sens manque parfois au politique dont les décisions sont plus influencées par les peurs et les spéculations des savants. Le principe de réalité a l’avantage qu’il ramène à la raison, et à la construction d’innovations adaptées à la situation du moment, ce qui n’interdit pas l’anticipation par le jeu des hypothèses.
La réalité est là : cette pandémie n’est pas encore derrière nous. Seule la connaissance du virus peut guider la recherche de la solution thérapeutique. Nous devons nous y consacrer avec énergie et résilience. C’est le prix à payer pour gagner cette guerre.
Pour cela, il faut faire confiance aux industries du médicament, c’est leur métier. Principe de réalité
Cette crise sanitaire a démontré les limites d’une gestion des organisations par des « indicateurs de performance ». C’est évident pour notre système de santé qui, face à la crise que nous vivons, se recentre tout à coup sur sa raison d’être, avec des énergies formidablement mobilisées, où les moyens deviennent soudain disponibles et où les dogmes tombent. Où l’on (re)découvre combien sont indispensables les multiples métiers de soin et de proximité. Tout ce qui est perdu de vue quand on ne regarde que des chiffres et des tableaux de bord.
L’approche d’abord arithmétique et comptable, qui s’est progressivement imposée partout, transforme les êtres humains en rouages d’une machine qui perd de vue le sens et les diminue, provoquant frustration, colère et désengagement.
Cette approche vient du monde des entreprises. À elles de les balayer. De se concentrer sur leur raison d’être, leur utilité pour la collectivité, leur impact sur les communautés humaines parmi lesquelles elles vivent et sur la planète qui les héberge.
L’immense majorité de nos collaborateurs veulent « bien » faire un travail qui a un impact au service d’une finalité qui fait sens. Arrêtons de les infantiliser ou de les « fliquer » avec des contrôles et des indicateurs tous azimuts censés normaliser leurs actes, leurs comportements et leurs décisions. À force de mesurer les actions des hommes, toute l’organisation perd de vue la finalité. “You get what you inspect and not what you expect.”
La pérennité économique de l’organisation est un fruit qui pousse tout seul si une finalité claire est proposée et servie par des êtres humains auxquels on laisse l’espace d’y consacrer leur énergie.
Osons la confiance et la bienveillance.
Les malades non-Covid ont-ils été relégués ? Parmi d’autres.
Jean, 78 ans, BPCO stade 4 sous oxygène, voit son rendez-vous annuel avec le pneumologue annulé sans reprogrammation, sa réhabilitation chez le kiné suspendue. Il s’isole pour ne pas être contaminé, son état se dégrade progressivement, son médecin – en contact avec des patients Covid – le gère en téléconsultations, jusqu’à quand ? Que devient son espérance de vie hors Covid et le restant de sa vie mise entre parenthèses par crainte du Covid ?
Bernard, 88 ans, en EHPAD, déjà 9 décès, sans visite depuis un mois, confiné dans sa chambre au troisième étage. On le retrouve un matin, défenestré. À son désespoir, s’ajoute celui du personnel et des soignants ; il augmente leur traumatisme. Les consignes des ARS avaient été suivies, d’autres – nées du terrain – les ont remplacées depuis.
Nicolas, 52 ans, marié, 2 enfants, a très mal au ventre. Il appelle le 15 en pleine pandémie, interrogatoire ciblé Covid négatif, conseils d’attendre. Il appelle son médecin après 2 jours de peur de déranger. Il est hospitalisé en urgence, décède 2 jours après sans avoir pu dire adieu, ni que sa famille ait pu lui dire adieu.
Les questions : le passage par le 15 obligatoire et l’absence de numéro d’appel libéral pour les soins non programmés. Un système centralisé organisé autour d’un problème. Le prisme unique des soignants surbookés par la pandémie où elle existe, et le désœuvrement des autres soignants. Le relais médiatique centré sur la pandémie et les zones en état d’urgence. La perturbation des comportements induits et les risques immédiats, l’horreur et les conséquences de l’absence d’adieux.
Pour que cela ne se reproduise pas, il faut que les autorités, les médecins, les labos, les médias aient le souci de tous les malades, Covid ou non, dès le début et de façon équilibrée.
La crise est passée par là. Le temps est aujourd’hui à l’immense espoir d’un vaccin qui viendra, nous espérons le plus rapidement possible, nous protéger et nous permettre de retrouver une vie normale. Pour autant, ce haut niveau d’attente ne vaut pas pour acceptation, partagée et durable par tous les Français, de la vaccination.
C’est donc bien à un changement profond de nos comportements en matière de prévention qu’il faut s’attaquer. L’État doit reprendre les fondations d’une politique de santé publique forte. Trop engoncés dans notre système tout curatif, le changement culturel qui doit accompagner l’évolution des comportements prendra des années et requiert une acceptation générationnelle. Construisons cet avenir d’abord à l’école, éveillons la culture médicale et scientifique des jeunes, proposons-la à leur esprit critique.
L’école est LE lieu d’une politique d’éducation, mais aussi celui d’une politique de santé publique efficace. Et cela, nous l’avons oublié.
Il faut accompagner ce retour au premier plan, à la fois par une médecine scolaire qui reprenne du service, protège nos enfants et, par-là même, nous tous. Mais également par des programmes scolaires qui leur apportent un minimum de culture médicale et scientifique. Non pas pour en faire des chercheurs mais simplement des citoyens avertis, armés pour se prévenir des fake news, comprenant qu’en se protégeant soi-même, on protège les autres.
Les pseudo-scientifiques et autres adeptes du complot ne s’arrêteront pas. Seule l’éducation au raisonnement scientifique et au point de vue critique permettra de se forger sa propre opinion.
Si la crise doit être lue comme une opportunité, ne ratons pas celle de donner sa chance à une réelle politique de prévention de la santé, avec la volonté de changer profondément les comportements, en commençant par les plus jeunes.
Le 17 mars, la France a basculé dans le stade 3 de l’épidémie : confinement de la population, puis état d’urgence sanitaire quelques jours plus tard. Dans un contexte de “guerre sanitaire”, ces décisions ont brutalement restreint les libertés fondamentales des personnes et priorisé l’action publique autour d’une gestion de crise d’ampleur inédite. La pandémie a ôté la vie de milliers de personnes, mais elle a aussi incité l’État à renoncer à certains des principes qui prévalent dans notre démocratie. Les droits reconnus aux patients et acquis de haute lutte sous la pression exercée pendant plusieurs décennies par de nombreuses associations ont en particulier été mis à mal.
Ainsi, la présence des familles a été interdite à l’hôpital. Des personnes malades ont donc été privées de leurs proches, y compris dans leurs derniers instants. Ces renoncements, dont les motifs sanitaires étaient peu contestables, ont ébranlé la dimension humaine des soins. L’information, le droit au consentement et à la décision partagée, soudainement considérés comme accessoires, ont aussi été largement malmenés.
L’hôpital a tenu bon. Et, malgré une dette sociale insolente, notre système de prise en charge a pleinement joué son rôle. Cela étant, des patients fragiles de tous âges, dont l’état de santé risque des formes graves de Covid-19, s’exposent aux conséquences potentiellement dramatiques, au plan humain, psychologique et professionnel de l’isolement “volontaire” à durée indéterminé auquel le gouvernement les incite, alors que les contraintes de sortie et de déplacement s’assouplissent pour le reste de la population.
C’est par l’huma
nisation des soins et le souci d’accompagner toutes les vulnérabilités que nous devrons sortir de ce tunnel. Un “plus jamais ça” où l’enjeu de la survie ne concurrence pas l’enjeu du respect de la personne humaine. C’est à cette unique condition que notre société sortira par le haut de cette terrible période.
Se soigner remonte à la nuit des temps, quand notre ancêtre commun avec les chimpanzés vivait dans les savanes arborées d’Afrique, il y a plus de cinq millions d’années. Nos cousins disposent de compétences pré-médicales et d’une pharmacopée qui, depuis quelques décennies, intéressent la pharmacologie. Ils ont inventé, par exemple, une bithérapie pour se débarrasser de parasites intestinaux. Aujourd’hui, le Covid-19 est la manifestation la plus redoutable de ce qu’est la sélection naturelle. Il frappe les personnes les plus affaiblies par l’âge et d’autres pathologies, mais aussi les sociétés avec des systèmes de santé inégalitaires, comme aux USA. Notre évolution continue.
Le désastre économique qui s’annonce montre, par voie de sélection naturelle, que la globalisation est allée trop loin. En fait, les analyses économiques l’indiquaient déjà depuis quelques temps. À l’issue du World Economical Forum de Davos, une réflexion vise à repenser le modèle dominant en se référant à des approches écosystémiques. L’idée n’est pas récente. Cependant, elle se limitait à des écosystèmes d’affaires/entreprises, sans considération pour la nature ; un vrai débat, tranché par le Covid-19. Un écosystème ne peut pas s’adapter sans ses producteurs de base ni décomposeurs ; c’est la circularité écologique. Ce n’est ni l’autarcie ni le protectionnisme. Cela veut dire repenser la mondialisation avec des écosystèmes les plus viables et adaptatifs des régions à l’échelle de la planète avec ce principe “créer de la valeur sur place avant d’en extraire”. Première leçon : les écosystèmes d’affaires doivent s’imbriquer avec les écosystèmes régionaux.
Passons aux ressources des humains. Les personnels médicaux offrent un exemple de l’adaptabilité des personnes libérées des contraintes managériales et budgétaires. Agent.e.s de nettoyage, aides-soignant.e.s, infirmier.e.s, médecins ont adapté et innové individuellement et collectivement, au sein de leurs établissements et entre établissements, même entre pays voisins. L’hôpital était malade de trop de contraintes qui, une fois balayées par l’urgence, ont révélé l’ampleur des talents anesthésiés par les fièvres managériales basées sur les coûts et non les potentialités des personnes. Il faut muter d’un management qui brime les talents à un management qui les favorise ; comprendre à partir de quel moment les processus sclérosent les capacités d’adaptations et d’innovations. Deuxième leçon : les vraies ressources humaines proviennent des personnes.
La crise du Covid-19 est aussi anthropologique. Ces pauvres pangolins sont victimes, comme tant d’autres animaux, de médecines traditionnelles qui les conduisent à l’extinction. En début d’année, le gouvernement chinois a supprimé le remboursement de médicaments fabriqués à partir des écailles de pangolins. Mais faut-il récuser pour autant toutes les médecines traditionnelles ? Il y a encore beaucoup à apprendre, même chez les chimpanzés. Le grand enjeu de la médecine dite One Health consiste à une meilleure santé humaine, animale et environnementale. Une dimension anthropologique pour stimuler les orientations RSE des entreprises ; c’est la troisième leçon.
Depuis leurs origines, les humains coévoluent avec les agents pathogènes, qu’ils proviennent de la nature ou façonnés par les civilisations ; c’est la médecine évolutionniste.
La prise en charge du cancer a été révolutionnée par les traitements oraux. Mais prendre un comprimé n’est pas anodin. Le suivi du patient reste tout aussi complexe et devrait s’appuyer sur l’ensemble des acteurs de soins de ville, l’oncologue contrôlant très régulièrement l’évolution de la maladie et l’examen clinique s’appuyant sur des données fiables.
Avant l’arrivée du Covid-19, ce suivi était réalisé, dans la majorité des cas, par la consultation à l’hôpital. Brusquement, tout a changé. La peur omniprésente de la contamination a dissuadé les soignants de faire venir leurs patients et les malades de se rendre à l’hôpital : la téléconsultation s’est imposée.
Mais, dans la réalité, la téléconsultation est encore souvent limitée à un échange téléphonique alors qu’elle doit s’appuyer sur des données de suivi. C’est dans ce contexte que notre association Patients en Réseau a soutenu la proposition de la start-up Continuum Plus et participé à la personnalisation d’une application mobile qui favorise l’interactivité : AKO@PRO.
Les patients sont réellement acteurs de leur suivi en documentant eux-mêmes leurs données (constantes, effets indésirables…). Tous les soignants peuvent participer à ce suivi coordonné. L’oncologue propose des consultations de suivi à distance ou à l’hôpital en fonction de la situation et selon la décision partagée avec le malade.
Les patients utilisateurs nous disent être « rassurés », les soignants hospitaliers « mieux informés » de la situation au domicile. Ce dispositif complet participe à la qualité et à la sécurité de la prise en charge du patient et pourra, dans un premier temps, être étendu à la prise en charge d’autres cancers avant d’autres maladies chroniques.
Ce fut l’épreuve du feu pour les malades chroniques, lorsque le couperet de la pandémie Covid-19 est tombé avec ses mots barbares : confinement, distanciation sociale, gestes barrières. Nous nous sommes retrouvées du jour au lendemain, coupés les uns des autres, la peur au ventre. Pour certains, l’épreuve a été particulièrement traumatisante car dans le même temps, des reports d’examens médicaux ou d’interventions chirurgicales provoquaient chez ces patients des angoisses et incertitudes. D’autres étaient plongés dans le désarroi le plus total car ils n’arrivaient pas à joindre leur médecin alors qu’ils faisaient face à des soucis de santé qui les préoccupaient.
C’est à ces moments inédits et totalement atypiques que l’on peut juger de l’efficacité des organisations. Dans l’urgence, s’adapter à la situation requiert de l’agilité, une approche innovante aux problèmes posés, du bon sens et de la simplicité. Les organisations qui ont su s’adapter n’ont pas toujours été celles qui étaient les plus riches. Des petites associations sont sorties du lot. Je tiens à rendre particulièrement hommage à l’association Marie-Madeleine et plus particulièrement à Marie-Hélène TOKOLO et son équipe qui ont su apporter leur soutien quotidiennement à leurs membres. Tous les jours y compris le weekend, une conférence téléphonique, qui ensuite évolua en vidéoconférence, fut organisée avec l’ensemble des membres pour être à leur écoute, répondre à leurs questions, les informer, les guider, partager les expériences, pour rassurer et briser l’isolement.
Pour le coup d’après, les organisations qui ont failli devront tirer les leçons de leur échec afin d’être mieux préparées car, à coup sûr, nous vivrons d’autres pandémies dans les années à venir.
Au-delà du télétravail et d’un confinement forcé, la crise du coronavirus nous aura amenés à revoir drastiquement nos habitudes.
Les enseignements dispensés aux futurs cadres et dirigeants des industries de santé reviendront sur cet épisode, d’abord comme un formidable cas d’école, mais aussi parce qu’il pourrait bien devenir la règle plutôt que l’exception et qu’il nous faudra y être mieux préparés.
N’ayant jamais connu les périodes de prospérité facile de leurs aînés, parfaitement conscients de prendre, à leur tour, les rênes d’une société moins stable et davantage confrontée à des tensions systémiques, nos étudiants font naturellement preuve de résilience et d’empathie, parce qu’ils sont dans cette merveilleuse période de leur vie où ils apprennent et acceptent.
Pour les entreprises, il sera probablement plus difficile de faire évoluer des business models qui ne pourront mécaniquement changer à brève échéance. Nous aurions pourtant raison d’interroger nos habitudes pour éviter que le monde “d’après” ne devienne celui “d’avant”… en pire.
Agilité organisationnelle et vision partagée, recentrage mais partenariats étendus, innovation de processus et développements conjoints, nécessité de la performance mais métriques partiellement repensés, représentent certains des chantiers sur lesquels les acteurs publics et privés devront se pencher.
Dans ce cadre complexe, paradoxal et plus incertain, tâchons d’offrir à la jeune génération une chance de dessiner les paysages qui finiront par lui appartenir.
D’ailleurs, et au-delà d’une position de principe, cette crise a amplement prouvé que nos cadets ont su faire preuve, consciemment ou non, d’un réel esprit de sacrifice au profit de leurs aînés, plus fragiles et souvent moins généreux.
Médecin dans l’industrie depuis 23 ans, j’ai conservé une vacation à l’AP-HP, brutalement arrêtée avec la crise financière de 2008, mon hôpital ne pouvant plus me garder pour raisons budgétaires.
Dès le début de l’épidémie, j’ai répondu pour être bénévole de la réserve sanitaire. Dans la vie, ma femme et mon fils sont infirmiers, j’entendais tous les jours leur combat et voulais être à leurs côtés, utile.
Les samedis, j’ai été proposé dans un centre de l’EFS qui collecte les dons du sang, plaquettes et plasma et dont la chute au début a nécessité un appel national d’urgence par le Directeur général de la Santé. En plus des donneurs réguliers, sont venus des personnes qui n’avaient jamais donné : deux tiers d’entre eux sont des jeunes adultes qui ont souhaité porter, ainsi, assistance à personnes vulnérables pendant le confinement. Des gestes extrêmement altruistes.
Venu « dépanner » pour recevoir 50 à 60 donneurs, fluidifier la journée, avec les nouvelles mesures barrières, les mettre en confiance, valider la faisabilité du don. Avec un autre médecin et les collègues infirmières, nous respectons un protocole strict tout au long de la collecte. On aide, on s’entraide pour le même objectif. Accueilli par des infirmières “pros”, chaleureuses, je les aide aussi à désinfecter les lits entre deux donneurs. J’ai vu ailleurs des chirurgiens brancarder, et des bénévoles ne pas compter leur temps. Et parce que les barrières tombent, j’ai eu la chance de participer à l’inclusion de quelques patients dans l’étude Coviplasm de l’AP-HP, en lien avec l’EFS.
La crise nous fait redécouvrir que médecins et infirmiers, parfois retraités ou dans la pharma, sommes utiles à nos confrères. Dans l’armée, les réservistes font des “périodes”. Il devrait en être de même entre professionnels de santé, pour retrouver les gestes et être opérationnels, quand le besoin, la crise est là.
Je remercie Takeda, qui m’a laissé m’engager, sans hésiter.
Depuis 15 ans, la visite médicale n’a cessé de voir son effectif diminuer et son périmètre d’activité se restreindre. Réglementations, réorganisations, spécialisation, ont été autant de facteurs d’impact sans jamais véritablement réinventer le métier. La visite médicale a évolué, comme la génération de ses interlocuteurs habitués à cette modalité relationnelle persistante, dans une lente érosion. Pendant ce temps, la jeune génération des professionnels de santé, ultra numérisée et prudente, s’est enrichie de ses propres sources d’informations, ne laissant pas ou peu de place aux labos, excepté quand l’innovation et l’intérêt prennent le dessus.
Tout ceci préfigurait un “mur” relationnel à venir, mais quand ?
Le COVID aura finalement décidé du moment où le besoin de réinventer ce métier historique s’impose comme une urgente nécessité.
Longtemps discuté au sein des labos et avec les instances professionnelles, le “nouveau visiteur médical” doit maintenant trouver sa place effective… ou disparaître.
Qui est-il ? Probablement, et de plus en plus, un organisateur, un orchestrateur de la relation et un coordinateur de différents types d’interactions. À la fois, le point d’entrée de la relation entre le labo et les professionnels de santé. Mais aussi, le gardien d’un équilibre à trouver entre relation humaine indispensable en face/face et interactions digitales. L’acteur clé d’une connaissance client enrichie, essentielle à tout modèle relationnel. Et, plus que jamais, l’ambassadeur éthique et respectueux des règles propres au domaine de la santé.
La capacité de se repositionner autour des besoins des professionnels de santé, de leurs centres d’intérêt et de leur apporter des réponses véritablement utiles, sera clé pour gagner.
Une réinvention sans préavis, mais nécessaire.
Des décisions plus rapides, mais aussi plus cohérentes avec le vécu de terrain : tel est l’un des défis que doit relever le système de soins dans les territoires au sortir du choc du COVID19. Sur la sellette, le modèle de planification et de régulation sanitaire, qui a montré les limites d’une gestion centralisée, où les Agences Régionales de Santé incarnées par des super-préfets sanitaires déclinent politique et mesures décidées en grande partie à Paris.
Le système de santé est traversé par la société et ses évolutions.
Les interactions des usagers comme des entreprises avec le système de soins sont étroites et innombrables, la pandémie l’a montré, par exemple sur la présence des salariés ou sur les ruptures des chaînes d’approvisionnement des établissements. Tous aspirent désormais à une plus grande proximité avec la décision publique.
Loin de l’alibi porté par la démocratie sanitaire, ces attentes nécessitent de redistribuer les compétences et les moyens de gestion sanitaires vers les échelons territoriaux qui disposent d’une vision systémique des enjeux et des problèmes concrets.
L’échelon national conserverait un rôle essentiel et fort en définissant et contrôlant les objectifs de santé publique et d’équité territoriale, ainsi que les principes de financement. Les régions auraient en charge l’élaboration et le pilotage de politiques de santé, dont la mise en œuvre différenciée reviendrait aux départements voire aux groupements de communes. Les remontées d’informations locales venant des professionnels comme des usagers devraient également être développées, en s’inspirant du modèle des sciences participatives.
Si elles doivent être menées avec précaution pour éviter la désagrégation de la cohérence nationale au profit de potentats locaux, ces évolutions sont désormais indispensables pour bâtir des territoires de santé plus agiles et plus résilients.
Si les humains savaient tout ce que l’on peut apprendre de la mer, l’humanité entière larguerait les amarres ! Prendre le large, s’éloigner physiquement de la terre et des hommes, voir l’horizon sur 360°… Une journée seulement en mer, et vous voilà déconnectés. Imaginez 140 jours seule avec mon bateau, la mer, le ciel, les dauphins, baleines, albatros, pour compagnons. Ballottée par les éléments, la conscience finit par prendre de l’altitude, comme si ce « recul du large » revenait à voir l’horizon encore plus loin.
Il m’en est resté un réflexe presque instinctif : quel que soit le sujet, j’ai besoin de ce recul pour l’appréhender dans sa globalité avec l’écosystème qui l’entoure.
C’est le cas de la crise sanitaire que nous traversons et des réflexions que nous menons à titre privé ou collectif sur « le monde d’après ». La connexion évidente entre les crises sanitaire, climatique, environnementale, et par voie de conséquence économique, sociale et sociétale, m’incite à chercher des réponses dans une approche systémique.
Dans la réflexion que je mène comme députée européenne, je fais appel à d’autres leçons de mes années de course au large : le bon sens ; face à des éléments que l’on ne peut maîtriser, ne pas chercher à lutter contre – la nature est bien plus grande que nous, mais composer avec, apprendre à s’adapter, anticiper l’imprévisible (le coureur apprend à se recoudre avant de partir).
Ou j’en appelle encore à « mes deux V », la Vision et les Valeurs :
C’est vrai, je suis optimiste, mais la mer m’a aussi appris le formidable potentiel des êtres humains en situations extrêmes et m’a donné une devise :
« Les rêves sont réalisables à condition d’entreprendre collectivement et de persévérer ».
Partout en Europe, les citoyens expriment, sous des formes certes différentes, le même besoin de proximité en matière de santé. Du fait de leur complexité, mais également eu égard aux enjeux d’avenir qu’ils portent en eux, les systèmes de santé sont ainsi devenus, partout dans l’Union, un enjeu politique central. À cet égard la crise du coronavirus n’a fait que mettre en lumière un double mouvement qui dessinera sans nul doute l’avenir des organisations de santé.
Le premier mouvement est celui d’un système de santé davantage pensé à partir des besoins et réalités de territoires. À une approche centralisée du pilotage, se substitue ainsi progressivement en Europe un pilotage qui assume sa décentralisation, afin non seulement de mieux répondre aux spécificités des territoires et populations mais également d’intégrer la santé dans l’ensemble des stratégies de territoire. Il s’agit là d’un point clé car, pour améliorer l’état de santé de la population, ce n’est pas seulement une politique d’offre de soins qu’il faut conduire mais une stratégie ouverte dans laquelle chaque politique de proximité – du logement à l’agriculture en passant par l’éducation ou les transports –, contribue à la santé du territoire.
Le second mouvement est la prise de conscience de la nécessité de penser la résilience de nos systèmes de santé à l’échelle européenne. En matière de santé, en effet, la souveraineté ne peut sérieusement s’organiser qu’au niveau européen. Qu’il s’agisse de la politique industrielle nous permettant de retrouver notre autonomie stratégique, de la mise en place de moyens humains capables d’être projetés partout dans l’Union en cas de crise ou encore d’un partage accru des données de santé, l’Europe sera demain le nouvel horizon dans lequel se développeront nos systèmes.
La question mérite d’autant plus d’être posée que la lutte contre la pandémie du Covid-19 a propulsé les États au premier plan, reléguant l’Europe dans un second rôle. Le Parlement européen est presqu’absent tandis que la Commission, loin d’être restée inactive, n’est pas totalement audible. Mais on ne peut vraiment pas dire que l’Europe a failli : la BCE a pris ses responsabilités comme elle l’avait fait lors de la crise bancaire de 2008 ; et n’en déplaise à la Cour constitutionnelle allemande qui s’est élevée contre un laxisme supposé, sa politique de rachat d’obligations d’État a été immédiatement soutenue par la Cour de Justice européenne.
Si l’Europe n’est pas une entité fédérale intégrée, c’est que les États ne l’ont pas voulu : depuis le rejet par la France en 1954 de la Communauté européenne de Défense jusqu’aux difficultés actuelles à s’accorder sur une défense européenne, l’Europe n’a jamais été bloquée que par les États qui en sont les maîtres. Si l’on considère qu’une organisation sans force armée ou de police est faible, l’Europe l’est incontestablement. Le fait que le grand allié américain se soit éloigné d’elle renforce cette impression de fragilité.
Après le Brexit et face à la pandémie, l’Europe reste malgré tout une réalisation unique en son genre dans l’histoire de l’humanité : plus qu’une alliance entre États, et donc entre leurs peuples, l’idéal européen reste aussi puissant que l’idéal représenté à l’origine par la Constitution américaine.
L’Europe se grandit à travers les crises. L’espoir que fait naître celle que nous vivons est celui d’un recentrage de l’Europe sur les vrais enjeux : la Santé et, surtout, la prévention. L’Education est un impératif, afin que chacun soit conscient de cette histoire commune qui fait de nous les porteurs d’une civilisation. Enfin, la politique industrielle et le « Green Deal » impliquent que l’Europe tienne bien davantage compte des producteurs, entreprises et salariés, au lieu d’ériger le seul consommateur final en but ultime du marché.
Le Covid19 s’inscrit dans l’histoire des pandémies mondiales (H5N1, SRAS, H1N1, SERS, Ébola), et de drames sanitaires (Sida, sang contaminé, hormones de croissance, vache folle, amiante). Mais la faible gravité de la grippe H1N1 eut pour conséquence la démobilisation générale et la réduction drastique des budgets, en contradiction avec les plans de préparation aux pandémies. On constate aujourd’hui qu’il n’y a pas eu transmission de la réflexion sur les crises sanitaires.
La question est de savoir comment sortir de ce paradoxe selon lequel la nécessité de construire une Europe de la Santé devient une évidence, alors que la santé reste une prérogative des États membres et doit le rester, car les mesures de protection doivent être prises au plus près du terrain.
Une telle crise sanitaire ne peut être surmontée que si les 27 font preuve d’un grand sens d’unité et de solidarité. Mais tel n’est pas encore le cas, les positions nationales restant trop éloignées, privilégiant les intérêts électoraux immédiats.
Cette crise aura mis en exergue l’importance d’une action européenne commune.
Pourtant, la Commission européenne a su se montrer efficace, publiant des recommandations permettant le bon déroulement des essais cliniques, lançant des appels d’offre communs à 25 pays pour un meilleur accès au marché des matériels médicaux, détaxant ces achats pour les hôpitaux, constituant des réserves stratégiques, et surtout soutenant de façon massive l’innovation et la recherche de vaccin.
L’autonomie stratégique de l’UE et la nécessaire souveraineté européenne obligeront les politiques à privilégier l’autonomie sanitaire, en relocalisant au moins en partie la production des médicaments et vaccins et en se donnant les moyens d’une autonomie numérique indispensable à l’innovation médicale. Cela ne se fera que si l’UE est prête à un élan massif de coordination et de partage.
Plus que jamais, l’union a montré que c’était notre force, nous les associations de patients et d’usagers. La période a permis de fédérer les voix associatives et d’être force de nombreuses propositions qui ont fait écho dans les décisions quotidiennes du Gouvernement pendant la pandémie. Les rendez-vous quasi-quotidiens des 85 associations de France Assos Santé ont permis de colliger, en temps réel, les problématiques entendues par nos bénévoles et permanents à l’écoute des Français les plus « sensibles ».
La période a été intense, avec la satisfaction d’avoir des réponses légales rapides aux situations dramatiques, tant sociales que médicales, avec, notamment, l’alerte de la rupture des (autres) soins devant l’urgence du Covid-19.
Certes, nous n’avions pas le choix, tant la parole de l’expert – lire LES experts médicaux – a repris sa place et renvoyé le patient – lire les associations – à son rôle de profane, car, d’évidence, la Démocratie sanitaire a vacillé un temps, victime elle aussi du confinement.
Certains leaders associatifs se sont montrés vite chefs de guerre, et les forces réunies ont fait poids dans les mesures et le feront dans la reconstruction d’un système de santé.
Il nous faut désormais poursuivre cette coalition positive et constructrice, car c’est la Confiance en l’Homme qu’il faut reconstruire sur des bases solides. Les associations ont confirmé qu’elles avaient de la voix, certes, mais, aussi et surtout, des propositions. Faire ensemble, avec elles, s’écouter, c’est encore le pari de l’innovation que nous devons continuer à réussir.
Toute crise est révélatrice de nos forces, que l’on essaie de cultiver au mieux, et de nos faiblesses, dont on est encore plus victimes.
Dans mon expérience des maladies rares, j’ai pu constater que la France était enviée par de nombreux autres pays. Terreau fertile de nombreuses collaborations entre chercheurs académiques, start-ups et industrie pharmaceutique, la structure aboutie de centres experts permet la prise en charge de files actives de patients. Contrastant avec l’avance prise par la France dans ce domaine, les lourdeurs administratives retardent les essais cliniques et nous font perdre, en grande partie, notre attractivité.
Pourtant, dans l’urgence de la crise Covid-19, une accélération de ces collaborations s’est révélée possible et très utile. En effet, l’analyse des voies moléculaires impliquées dans les orages inflammatoires cytokiniques du Covid-19 a permis d’intégrer à l’essai Discovery certaines thérapeutiques innovantes, par ailleurs utilisées dans les maladies rares, avec des résultats prometteurs. Ainsi, dans un contexte d’exception, certains patients Covid ont pu bénéficier de ces avancées, grâce à la mise en place d’une procédure “fast track” en un temps record.
Mais, après la crise qu’en sera-t-il ? Allons-nous revenir en arrière ? Ces mesures prises en période d’exception, qui ont bénéficié aux malades du Covid-19, ne doivent-elles pas être élargies à tous les patients souffrant d’autres maladies ? Et de façon plus générale, ne devrait-on pas pérenniser ce qui rend la France plus compétitive ?
Rendons son attractivité à la recherche clinique en France : les patients l’espèrent, nos chercheurs la méritent, l’excellence de notre médecine en a besoin.
La crise sanitaire que nous traversons bouleverse profondément nos modes de vie, notre rapport à ce qui est essentiel et, je l’espère, continuera de renforcer durablement le rôle clé qu’y tiennent les entreprises, notamment celles des produits de santé, auprès de l’ensemble des citoyens, des patients, des professionnels de santé, comme des responsables politiques et économiques. Ceci doit rester un cap de gouvernance pour les industries de santé.
L’ampleur des défis à relever appelle à une mobilisation sans précédent et voit naître des formes de collaborations inédites qui transcendent les schémas concurrentiels et sectoriels classiques.
Ainsi, plusieurs industriels de santé se sont-ils engagés à soutenir des projets pour lesquels leur expertise peut permettre une avancée significative. Le LFB est de ceux-là. La création d’une alliance, que l’on aurait considérée contre nature il y a seulement quelques semaines, regroupe les principaux acteurs mondiaux des médicaments dérivés du plasma, unis pour développer une immunoglobuline hyper-immune contre la Covid-19. Il en est de même pour notre partenariat avec la Biotech Xenothera pour fabriquer le premier lot clinique d’un candidat médicament pour le traitement des infections à coronavirus afin d’en lancer les essais cliniques le plus vite possible.
Autre collaboration, notre soutien au Groupement Hospitalier Universitaire de Paris pour participer à un essai thérapeutique associant plusieurs services de réanimation.
Unir ses forces pour soutenir un système de santé fragilisé par une demande de prises en charge exceptionnelle, est à la fois une ardente obligation et la fierté d’un secteur engagé qui démontre une nouvelle fois sa capacité à participer à l’effort national.
Éviter la visite à l’hôpital et recevoir leur traitement habituel à domicile, ce souhait d’hier est devenu une exigence pendant la crise sanitaire pour certains patients, souffrant de maladies rares ou de maladies chroniques graves, telles que les cancers. Ce fut aussi la décision de parents d’enfants atteints de maladies génétiques nécessitant un traitement au long cours qui, habituellement, était dispensé à l’hôpital.
Et là, l’épidémie du Covid-19 nous a fait faire un bond considérable. Nous avons dû nous adapter dans l’urgence. Quand il s’agit de traitement par injection sous-cutanée, c’est assez simple, mais il a fallu aussi étendre ce service aux injections intraveineuses en signant des partenariats avec des filières de soins à domicile qui jouent le rôle de tiers de confiance.
Évidemment, tout ceci s’est fait en collaboration étroite avec les Autorités réglementaires, et les délais d’approbation ont été divisés par 12.
Le pouvoir au patient et à son association qui intervient comme son porte-parole ? La crise du Covid-19 a rebattu les cartes et va nous obliger, autorités de santé, soignants et industriels, à réinventer nos modes de collaboration pour fluidifier ce fameux lien ville-hôpital. Nous devons accentuer la prise en charge du patient à son domicile ; c’est préférable pour la qualité de vie du patient, c’est souhaitable pour l’économie du système de santé. C’est une étape de plus dans la reconnaissance de la Démocratie sanitaire.
Trouver des solutions innovantes dans des délais brefs : l’écosystème de santé français en est capable et l’a montré à de multiples reprises au cœur de la crise Covid-19. Réunis par l’enjeu de protection des citoyens et la continuité de prise en charge des patients, les acteurs privés se sont associés aux acteurs publics, les grands groupes aux start-ups, etc.
La plupart des innovations collectives qui ont vu le jour correspondent à des actions ponctuelles, où chaque acteur apporte son expertise. Se sont ainsi déployées deux types d’actions :
Si un enseignement doit être tiré de cette crise pour l’avenir de l’innovation en France, c’est qu’il est nécessaire de combiner collaboration et coopération, dans un modèle économique pérenne.
Cela signifie, non seulement faciliter les échanges entre le public et le privé et simplifier les processus de décision, mais aussi définir un cadre général correspondant aux priorités de l’État et identifier des mécanismes de financement permettant de rémunérer chaque acteur de l’innovation collective – au-delà des seules expérimentations de financement au forfait – ou encore ouvrir plus largement la possibilité d’expérimenter en vie réelle et enfin intégrer les enjeux humains au-delà de la seule technologie.
Autant de matière à discussion pour la loi de programmation pluriannuelle de la Recherche.
Jamais un gouvernement n’a autant communiqué sur des enjeux de santé publique : points de presse quotidiens, pédagogie sur les gestes barrière, explications sur le mécanisme de confinement, etc. Jamais un gouvernement n’avait osé avouer aux Français qu’« on ne sait pas tout sur un virus inconnu » et qu’il faut accepter cette ignorance inconfortable.
N’empêche : les volte-face sur les masques ont décrédibilisé l’ensemble du discours et, aujourd’hui, les Français sont les plus méfiants d’Europe vis-à-vis de leurs gouvernants.
Jamais le monde de la santé n’a autant communiqué dans les médias. Les scientifiques ont expliqué leur métier et la façon de mener des recherches bien conduites. Les professionnels de santé (pharmaciens, infirmiers, aides-soignants…) ont décrit leurs conditions de travail. Les « invisibles » (personnel d’EHPAD, auxiliaires de soins…) ont pris la parole.
Jamais les médecins n’ont été autant invités par les télés, sous toutes les
formes : en plateau, en blouse blanche à l’hôpital, à leur domicile.
N’empêche : les Français ont entendu tout et son contraire – parfois dans la bouche d’un seul et même médecin –, d’où le sentiment d’une grande cacophonie.
Jamais un virologue, fût-il « l’un des meilleurs au monde », n’a autant communiqué sur Twitter et sur YouTube. Quitte à ne rien publier dans une revue scientifique. Quitte à s’affranchir de la contradiction de ses pairs. Quitte à refuser de partager ses données.
N’empêche : les Français l’adorent et une partie d’entre eux pense sincèrement qu’il est victime d’une cabale de ses confrères et des labos pharmaceutiques.
Cherchez l’erreur…
Dans un monde où le risque zéro est érigé en dogme, la survenue d’une pandémie relevait de l’impossible ! Au point de mettre au rancard les moyens préventifs. Protégé par la science triomphante, le monde se pensait à l’abri, oubliant H1N1, le SRAS et Ebola. Ni Bill Gates, ni de rares médecins ou historiens n’ont su se faire entendre. Tapie dans l’ombre, la menace a surgi, tuant par dizaines de milliers, foudroyant l’économie mondiale, et nos élites avec, qui n’ont pas su prévoir ou qui ont fait mine de ne pas savoir pour ne pas avoir à anticiper. Car la prévention coûte, c’est ce qui la rend si fragile dans un monde de l’instant.
Sidéré, le grand public découvre une médecine en échec face à un virus. Médecins et scientifiques se contredisent entre eux, quand ils ne se contredisent pas eux-mêmes. Et le politique navigue à vue, contraint de commenter en temps réel une actualité qu’il ne contrôle pas. Des lits de réa du privé sont vides au moment même où les malades affluent dans des hôpitaux publics saturés. Et 16 millions de patients chroniques désertent les soins primaires au risque d’une perte de chance.
Cette crise sanitaire est révélatrice tant de notre impréparation face au risque épidémique que de la totale inorganisation de notre système de santé. Les soins primaires restent la dernière roue du carrosse et le virage ambulatoire, tant vanté par MaSanté 2022, risque fort de se faire à 180°, nous ramenant à la vision hospitalocentrée qui prévaut depuis 1958.
Il est temps de renverser la table et de repenser notre système de santé en partant des missions et moyens du premier recours pour définir ensuite ceux des deuxième puis troisième recours.
Identifier des signaux précoces d’épidémie ; mesurer l’acceptabilité des populations face à des mesures sanitaires d’ampleur ; estimer l’impact du confinement sur la santé mentale des populations ; identifier rapidement les fake news et les croyances circulantes sur les réseaux pour mieux organiser leur déconstruction et adapter la communication ; suivre les symptômes les plus fréquents d’une infection virale et leur évolution dans le temps ; comparer les réseaux sociaux français et chinois à des périodes équivalentes du confinement… Autant d’objectifs que l’analyse médicale et scientifique des réseaux sociaux a permis de réaliser durant les mois de cette pandémie, dans une cinétique temporelle compatible avec des prises de décisions politiques.
L’importance des réseaux sociaux en tant qu’instrument de mesure à la croisée des sciences sociales, de l’épidémiologie et de la médecine a été une nouvelle fois soulignée. Recommandée par le Conseil scientifique, mise en place par la présidence de la République, ces analyses permettent d’identifier des problématiques qui n’ont pas forcément été anticipées par les pouvoirs publics.
Mais, pour les mener à bien, ces analyses nécessitent un travail colossal : des millions de messages sont postés chaque jour, l’accès aux données de certains réseaux hégémoniques ne sont pas possibles ou hors de prix et l’acceptation de ces analyses par nos autorités de santé n’est pas encore totale, même si, à la triste lumière de la pandémie, une prise de conscience commence à s’opérer.
Puisse qu’au jour d’après, cette veille des réseaux sociaux soit organisée, financée et facilitée dans le respect des lois en vigueur, expliquée à la population, restituée en toute transparence aux utilisateurs de ces réseaux, pour mieux lutter contre les menaces sanitaires à venir.
La crise sanitaire témoigne d’une surabondance du langage scientifique dans l’espace public et la vie politique. Qu’il soit question de donnée biologique, d’essai clinique ou de preuve statistique, les controverses médiatisées qui ont jalonné la gestion pandémique pourraient laisser croire que le monde scientifique bénéficie d’une nouvelle légitimité. Il faut pourtant se garder des apparences.
L’usage excessif de rhétoriques savantes illustre l’affaiblissement de l’autorité culturelle et sociale des institutions scientifiques. On ne sait plus quels sont les experts légitimes dans ce mélange des registres scientifique et démocratique. La forte réactivité de la société française traduit la montée en puissance des théories complotistes. Aussi, près d’un quart des français ferait le choix de ne pas se vacciner si cette solution était envisagée pour le Covid-19.
Cette pandémie donne l’occasion de réfléchir à la façon dont l’organisation institutionnelle de la science pourrait traduire plus efficacement l’intérêt général. Le rapport de la stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle souligne dès 2017 la nécessité d’aller vers une politique plus intégrée de l’information scientifique car les institutions qui produisent, synthétisent et évaluent les savoirs sont trop segmentés : Alors que les connaissances sont accessibles de plus en plus rapidement, la diffusion de contre-vérités alimente l’obscurantisme, le déni scientifique, les « faits alternatifs ».
Ce constat suppose de repenser les formes de coopération entre médiateurs culturels, journalistes, scientifiques et décideurs publics. Un accès rapide à une information fiable et reconnue est d’autant plus urgent que les agendas des décideurs publics deviennent de plus en plus surchargés.
Les crises accélèrent les innovations, surtout quand elles lèvent les freins bloquant les usages. D’une nature sanitaire sans précédent, celle que nous traversons a significativement accéléré la télémédecine dans toutes ses dimensions. Nous avons plus avancé en 100 jours qu’en 10 ans.
Sur la téléconsultation, les usages sont sans commune mesure avec ceux observés avant la crise. Du simple au multiple !
Ce déploiement à grande échelle a fourni au patient, comme au médecin, sa propre courbe d’expérience, permettant la mesure concrète de sa valeur ajoutée à notre système de santé. La pratique l’a emporté sur la théorie, sur les partis-pris académiques et politiques qui dénonçaient avec force, et contre toute évidence, la déshumanisation de la relation soigné/soignant ou la non pertinence des diagnostics réalisés à distance. La télémédecine a pris toute sa place et rien que sa place, démontrant sa complémentarité à la médecine présentielle, sa forte utilité et sa simplicité pour accéder aux soins.
Pratique médicale à distance reconnue par l’OMS depuis 1997, il n’a jamais été question que la télémédecine remplace la médecine ou que la téléconsultation ait pour finalité une médecine de commerce. Cette crise a raccourci les distances et abattu des « cloisons » entre acteurs de santé. Gageons qu’un pli a été pris et que l’on peut enfin passer à autre chose, il y a tant que le numérique peut faire pour moderniser notre système de santé.
C’est vers un nouvel objectif qu’il nous faut désormais nous tourner, ensemble : médecins de ville, hospitaliers, pharmaciens, infirmiers (…), acteurs publics et start-ups en santé, pour faciliter une médecine de parcours et de proximité centrée sur le patient. Une médecine autant humaine qu’innovante qui soutienne une coopération renforcée de tous les soignants avec leurs patients.
L’épidémie de Covid-19 et la crise sanitaire qui en résulte ont inévitablement bouleversé l’activité de l’industrie pharmaceutique et interrompu les modèles d’interaction avec les professionnels de santé. Cette crise joue un véritable rôle de catalyseur dans la transformation digitale de cette industrie.
Face à la crise, les stratégies multicanal se renforcent afin de capitaliser sur les canaux digitaux pour pouvoir communiquer et interagir avec les professionnels de santé, constituant un nouveau paradigme commercial. Les tendances observées ces derniers mois vont s’installer durablement : digitalisation des événements, développement de plateformes en ligne de services, généralisation des approved email, renouveau de la visite médicale à distance, déploiement du digital media (programmatique)…
Certes, la transformation digitale des laboratoires va s’accélérer avec un usage croissant des canaux digitaux, ce qui est logique pour répondre aux nouveaux usages et à la transformation du monde de la santé. Cependant, et même si c’est mon cœur de métier, je suis convaincu qu’un modèle 100 % digital ne peut pas fonctionner. Il ne faut surtout pas, à la suite de cette crise, tomber dans le travers du tout digital. La dépersonnalisation totale de la relation, la disparition du contact face à face, n’ont pas de sens et seraient contre-productifs.
Même si l’accès aux professionnels de santé sera plus difficile en sortie de crise, les équipes terrain (VM, DP, MSL) garderont ce rôle essentiel dans la digitalisation de la relation client et le déploiement du multicanal : personnalisation, voire humanisation, du laboratoire, déclencheur d’actions (online ou offline) ou collecteur de données clients. Ce sera à eux de trouver le juste équilibre entre contacts face à face et à distance.
Longtemps suspecté de rimer avec RTT, le télétravail a fait ses preuves en huit semaines. Une sorte de Proof of Concept planétaire. Les enseignements sont nombreux, à nous d’en tirer parti.
Passées les premières connexions instables, les réunions virtuelles dans un recoin de pièce blafard et impersonnel, ou sans vidéo faute de bande passante, la vie réelle s’est invitée : livres, photos, objets sont apparus en arrière-plan ; irruptions sonores d’enfants joyeux ou furtives d’ados en mal de wifi ont permis les respirations autrefois assurées par une halte à la machine café ou un travelling avec un collègue vers la prochaine salle de réunion. Sans parler de nos coiffures et looks improbables conférant à nos photos de profil professionnel “d’avant” un air endimanché, presque suranné.
Pied de nez à la distanciation sociale, le télétravail, en s’invitant dans nos intimités, a tissé des liens souvent plus humains et authentiques entre collègues.
Seulement passer, brutalement, à 100 % au télétravail nous a fait transposer nos façons de travailler du bureau au domicile. Qu’en avons-nous appris pour construire de nouvelles modalités :
E=MC2, l’Énergie de chacun est bien le produit des Modalités et de la Confiance (au carré).
L’Europe, disait Robert Schuman le 9 mai 1950, ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait ».
Soixante-dix ans après ce discours fondateur, la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons nous interpelle tous en tant que citoyens, et nous lance un défi : nous hisser à la hauteur de l’Histoire par l’une de ces réalisations concrètes pour l’Europe.
Je parle ici de la création d’un grand champion français et européen de la santé digitale, pour améliorer la vie et la santé de nos concitoyens, offrir aux professionnels de santé les moyens les plus modernes pour soigner, et assurer à nos systèmes de santé solidaires, efficacité et pérennité.
Aujourd’hui, de grands acteurs émergent. Ils proposent des plateformes digitales sophistiquées reliant un patient à une équipe soignante, autour de données issues de dispositifs médicaux connectés. En ville ou à l’hôpital, il devient alors possible pour les soignants de suivre les patients “hors les murs” et entre les visites, d’une manière plus personnalisée.
Ces plateformes commencent à faire la preuve de leur efficacité, comme dans la prise en charge des patients atteints de maladies cardio-métaboliques, plus exposés aux formes graves du Covid-19. Mais, pour l’essentiel, ces acteurs sont américains et chinois : entre les deux, l’Europe peine à exister.
Il est temps de réagir. Nous avons en France et en Europe tous les atouts et les talents pour réussir à créer ce champion, fidèle à nos principes et nos valeurs, qui font notre identité et notre singularité d’Européens.
Si ce n’est pas maintenant, alors quand ?
Au travail !
Quiconque a fréquenté les coulisses du pouvoir sait la difficulté qu’il y a à trier les milliers d’informations qui lui remontent. Certaines présentent comme de graves menaces ce qui ne concerne que la personne qui les exprime, d’autres comme une information mineure des faits nécessitant une alerte immédiate.
Pour mieux éclairer ce type de décisions, j’ai eu l’occasion de mettre en place en 2008 une méthode invitant plusieurs centaines d’experts et des milliers de contributeurs externes à contribuer à “France 2025”. Cet exercice visait à donner aux Français, et à leurs élus, plus d’informations sur les tendances et les risques long terme auxquels notre pays devrait faire face, et à expliquer les voies possibles pour s’y préparer. Cette commission était présidée par Jacques Delors, personnalité insoupçonnable de complaisance, désigné par Nicolas Sarkozy, et ses présidents de groupes choisis pour leur capacité à poser les questions qui dérangent. L’horizon 2025, trois mandats présidentiels après celui en cours, donnait aux experts toute liberté pour dire ce qu’ils pensaient vrai.
Publié en 2008, le premier rapport de ses travaux reste disponible en ligne. Sa page 190, consacrée au risque de pandémie, y lance : “Le PIB mondial pourrait chuter de 5%. L’accumulation de problèmes économiques pourrait entraîner à terme une paralysie générale de l’économie”. Cette alerte était mise en regard d’un système de santé dominé par une logique curative, au détriment de la prévention, de la recherche et de la formation médicale. Le rapport fut remis au président et à la ministre de la santé de l’époque, accusée quelques temps après d’avoir trop anticipé le risque H1N1.
Faute d’avoir renouvelé cet exercice durant les mandats suivants comme proposé initialement, le message d’anticipation s’est peu à peu perdu. La dette accumulée lors de cette crise nous en rappellera le coût pendant des générations.
Le 31 mars 2020, notre Premier Ministre présentait, devant l’Assemblée nationale, le plan d’approvisionnement et de répartition de médicaments nécessaires aux hôpitaux pour le traitement des patients atteints par le SARS-Cov2. Il y déclarait notamment : « […] Certaines des mesures que nous prenons pourraient sembler accessoires, ou minimes, mais sont en réalité essentielles : nous avons ainsi fait en sorte que la décision soit prise, au sein de l’Union européenne, que les médicaments produits sur le territoire de l’Union ou à l’extérieur puissent nous arriver sous une seule forme d’emballage, en utilisant une seule langue, l’anglais. Cette simple dérogation à la règle habituelle a permis à certaines usines de multiplier leur production par trois ; […] nous augmentons ainsi notre capacité à nous approvisionner. […] ».
Mesure “accessoire” mais “essentielle”. Pourquoi faut-il une crise pour que nos Autorités découvrent que l’Europe est handicapée par des conditionnements nationaux surchargés de mentions particulières qui morcellent les marchés à l’extrême ?
Par exemple, la France a récemment choisi, dans le cadre de la sérialisation, de conserver le code CIP 13 utilisé par la CNAM pour la facturation. Cela a-t-il un sens alors que la grande majorité des médicaments de l’hôpital ne sont pas facturés à la CNAM ? Alors qu’ajouter un simple zéro (0) aurait permis de constituer un code à “structure GTIN 14” répondant aux règles de la plupart des États membres. Cette mesure “accessoire” a un grand impact, puisqu’elle nécessite de réserver des lots pour la France et empêche tout transfert au dernier moment en cas d’augmentation subite de la demande.
Autre exemple, y-a-t-il un sens à fournir aux hôpitaux des conditionnements contenant des notices destinées au public ? Dans les années 90, lors des discussions européennes sur le paquet de Directives dites “Usage rationnel des médicaments”, l’harmonisation des étiquetages pour les formes hospitalières s’est faite sur le modèle des médicaments de ville. En dépit de toutes les alertes, les objectifs n’étant pas les mêmes. En ville, le patient s’administre le médicament et s’auto-surveille pour repérer d’éventuels effets indésirables. À l’hôpital, l’objectif prioritaire est d’aider les soignants à bien reconstituer les médicaments et éviter des erreurs médicamenteuses. Il serait donc heureux et pertinent, pour l’hôpital, de développer un étiquetage européen “passe-partout”, assorti de QR Code renvoyant à un site multilingue hébergeant les textes et vidéos d’apprentissage adaptés dans chaque langue.
Il serait regrettable que tout redevienne comme avant une fois la crise passée, que l’accessoire ne soit pas reconnu comme essentiel pour la protection du patient européen. Car ce besoin d’agilité pour augmenter les capacités de production par une convergence des exigences n’est pas seulement lié à la crise Covid. Il illustre l’incohérence de la France à imposer continuellement des exigences nationales qui prive les opérateurs de leur agilité, alors même qu’elle sanctionne ces opérateurs pour des tensions d’approvisionnement, dont elle est pour partie responsable. Tirons les leçons de ces faiblesses pour nous réorganiser. « Très souvent, ce qui semblait impossible depuis des années, nous avons su le faire en quelques jours. Nous avons innové, osé, agi au plus près du terrain, beaucoup de solutions ont été trouvées. Nous devrons nous en souvenir car ce sera autant de forces pour le futur. »(1)
(1) Adresse à la Nation d’Emmanuel Macron – lundi 13 avril 2020
Face à l’urgence sanitaire que constitue l’émergence brutale d’un nouveau virus pathogène, raccourcir les délais entre la recherche menée en laboratoire et la mise à disposition de traitements innovants pour les patients apparaît soudain comme une nécessité impérieuse. Pourtant ce n’est pas nouveau !
Les délais qui séparent la preuve d’efficacité dans un modèle de laboratoire et la première administration à un malade dans un essai clinique – on pourrait l’illustrer aussi à d’autres phases du développement – sont aujourd’hui de dix-huit mois à deux ans, voire plus. Ces délais représentent une perte de chance et pourraient être réduits grâce à un peu de bon sens et plus d’agilité.
Bien entendu, il n’est pas question de remettre en cause le temps consacré aux études de toxicologie avant un passage chez l’homme. Le problème intervient au cours des étapes suivantes. Ainsi, la mise au point de méthodes de production fait face à des exigences de validation parfois démesurées, alors même que des analyses de risques ou les technologies de modélisation permettraient souvent d’en réduire la durée.
Par ailleurs, les délais administratifs et de revue réglementaire sont plus que perfectibles. Les durées de revue par l’Ansm, systématiquement de plusieurs mois, pourraient être très significativement réduits par des échanges au fil de l’eau des résultats entre l’Agence et le promoteur, et ce dès les phases amont de recherche. À ces délais, s’ajoutent ceux des autres autorités indépendantes, Comités d’éthique, Haut Conseil des Biotechnologies pour les produits contenant des OGM…, auxquelles s’ajoute, finalement, la négociation contractuelle avec les centres hospitaliers impliqués dans l’essai.
Le sentiment d’urgence devra persister au-delà de la pandémie actuelle. Dans le « monde d’après », les règles et procédures relatives aux essais cliniques devront être rationnalisées et basées sur l’anticipation et l’analyse équilibrée des risques, dans l’intérêt premier des malades.
Au cours des dernières décennies, le système économique basé sur la globalisation de la production et la quasi libre circulation des biens et des personnes a eu des effets remarquablement positifs pour des centaines de millions d’êtres humains des pays “en développement” qui ont vu leurs revenus augmenter et les sortir d’une pauvreté abjecte. Le bilan des économies “développées” est plus mitigé. Au passif, les fruits de cette croissance économique ont plus bénéficié à une minorité d’individus qu’à la majorité, et la poursuite effrénée de cette croissance a eu des effets délétères sur l’environnement. Au plan positif, la croissance économique mondiale basée sur la globalisation des chaînes d’approvisionnement a offert aux citoyens des pays “développés” des prix beaucoup plus bas qu’ils n’auraient été si la production n’avait pas été délocalisée.
Ainsi, l’industrie de la santé s’est appuyée sur la fabrication offshore de médicaments, d’ingrédients actifs entrant dans leur fabrication, d’équipements de protection personnelle, de dispositifs permettant les tests de contamination, et bien d’autres.
Tout ce système fonctionne de façon très efficiente, c’est-à-dire au moindre coût, tant que le petit nombre de pays où ces productions sont réalisées est capable de produire en quantité suffisante et que les produits peuvent circuler librement vers leur prochaine étape dans la chaîne, ultimement vers les consommateurs. Mais ce système efficient est plus fragile parce que plus vulnérable à tout événement extérieur perturbant la production et/ou le transport des composants ou produits finis.
La crise Covid-19 vient de rappeler au monde économique et politique que la recherche de l’efficience devrait être équilibrée par une préoccupation de résilience. Plus le système est dépendant d’un petit nombre d’intervenants placés hors de votre contrôle, plus ce système est vulnérable à toute perturbation. L’efficience a presque toujours un prix. Il appartient aux gouvernements de créer des règles du jeu qui encouragent aussi la résilience des systèmes (c’est-à-dire, leur capacité à rester fonctionnel en cas de crise), et aux dirigeants d’entreprise de savoir expliquer avec assurance pourquoi leurs décisions ne peuvent – et ne doivent – pas toujours assurer la maximisation du profit à court terme.
Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise.” Je ne dirais pas mieux que Bruno Latour. Mais changer pourquoi ? Pour quoi ?
Cette crise aux conséquences désastreuses, nous invite à revenir à l’essentiel, et à nous poser cette question : “Qu’est ce qui est essentiel pour moi ?”
Quels que soient leur parcours, leur origine, leur âge, leur situation professionnelle, les personnes que nous accompagnons toute l’année souhaitent retrouver du sens dans leur vie professionnelle. En 2017 déjà, une enquête* montrait que 94% des Français voulaient avoir un impact positif sur la société, mais que seulement 6% estimaient y parvenir par leur travail. Cette demande de sens résonne encore plus aujourd’hui ! Et si la question de « l’utilité sociale de mon métier » se pose dans ces temps troublés, la même question vaut pour la société : quels sont les métiers utiles ? Comment les soutenir et les valoriser ?
Nous plongeons dans une formidable période de transitions, dont la crise n’est qu’un catalyseur. Les organisations doivent en affronter trois : économique, sociale et écologique. Il serait bon qu’elles réfléchissent à l’accompagnement nécessaire pour retrouver ce “sens” si essentiel. Quel engagement collectif proposent-elles à leurs collaborateurs, clients et fournisseurs, vers un monde pérenne, soutenable, plus juste ? Tout le monde a un rôle à jouer : les grandes entreprises doivent redéfinir leur raison d‘être à l’instar des “entreprises à mission” ; les pouvoirs publics doivent faciliter l’innovation et la collaboration entre acteurs ; les entrepreneurs doivent apporter des solutions pérennes répondant à de vrais besoins.
Bonne nouvelle, les solutions et coopérations se multiplient et démontrent leur impact.
Retrouver l’essentiel, c’est nous engager collectivement dans cette transition. Maintenant. En route !
* Enquête “Gâchis des talents”, Occurrence 2017
Dès le début de l’épidémie du Covid-19, notre dépendance sanitaire vis-à-vis de la Chine est apparue incongrue à l’opinion publique : comment avions-nous pu organiser la production des médicaments en dépendant à 80% d’un seul pays ?
Et pourtant, la gravité de la situation ne date pas de la crise. L’augmentation des ruptures de médicaments dans le monde depuis 10 ans est partagée par tous les acteurs ; des propositions ont été faites. Mais ce que la crise a révélé, c’est l’urgence de passer du constat aux solutions. Il ne sert à rien d’avoir une politique d’indépendance en matière de défense ou d’énergie, si l’on est incapable de l’avoir aussi pour la Santé.
La Santé, c’est gérer le pire, comme cette pandémie, mais aussi construire l’avenir en une valeur collective. C’est maîtriser des rapports de force diplomatiques entre USA, Chine, OMS et, même, au sein de l’Europe. Ce qui n’était qu’un constat tactique est devenu un impératif stratégique. “L’indépendance sanitaire” portée par les entreprises du G5, souvent dans le désert, revient enfin dans les discours des plus hauts responsables et du président de la République.
Sur le sujet des principes actifs, on ne peut plus dire : “c’est complexe, multidisciplinaire, global”. Ce sont des excuses pour ne pas agir. Les actions sont simples, à court et long terme : identifier les actifs stratégiques (on ne pourra pas tout faire), reconstruire une filière attractive en France pour commencer, en réformant les barrières normatives ou tarifaires, mais, parallèlement, négocier des approches européennes. Il faut penser Industriel et R&D, tous deux liés dans les procédés et les expertises techniques, savoir innover pour rendre la production moins polluante et plus compétitive. Il faut inscrire l’origine du principe actif sur les boîtes de médicaments et favoriser les entreprises qui sécurisent leur sourcing et privilégient l’Europe, a minima en back-up. Fort d’une telle stratégie, le gouvernement doit prendre concrètement en compte les investissements réalisés, en France et en Europe, en R&D et en production pour pérenniser la filière et soutenir les entreprises qui font de la France leur plateforme export.
La crise passée, nos concitoyens ne comprendraient pas que tout reprenne comme avant.
Toute crise est une opportunité de questionner notre contribution à la société et celle-ci nous conduit tout particulièrement à ramener l’humain au centre de nos préoccupations. Soudainement, la productivité, l’économie et le cours de bourse ne sont plus les indicateurs clés du développement de notre société moderne.
Cette période ramène au modèle de la triple contribution développé par John Elkington à la fin des années 70, plaçant le social et l’environnemental au même niveau d’importance que l’économique. Depuis maintenant 20 années à vivre au quotidien ce modèle au sein d’un groupe international danois, je réalise que tout est déjà là pour que nous réussissions dans le Monde d’après.
C’est en conjuguant avec bienveillance cette triple contribution que tous ensemble nous pourrons grandir dans le monde de “l’après”.
Pour que les mots interdépendance, écosystème, responsabilité sociale et environnementale ne soient plus un jargon professionnel mais viennent nourrir les stratégies futures et alimenter un dialogue plus ouvert sur des questions telles que : quelle industrie de Santé souhaitons-nous créer en France et en Europe ? Quelle politique de santé et comment la financer ?
Car des vies en dépendent, nous ne le savons maintenant que trop bien.
En réponse à une crise sanitaire Covid-19 sans précédent, nos espoirs reposent sur l’innovation scientifique, en particulier les traitements et vaccins potentiels.
Côté vaccins, nous misons sur différentes technologies et pouvons capitaliser sur l’expérience acquise lors de l’épidémie de SRAS. Nous sommes également au cœur d’un écosystème de partenariats publics-privés, indispensable. À l’échelon français, l’Inserm et ses partenaires d’Aviesan (1) ont mis en place REACTing, un consortium rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes. Il est primordial de coordonner la recherche en étant connecté à cet écosystème public afin de pouvoir réagir très vite. Enfin, et c’est notre force, nous disposons d’expertises sur toute la chaîne de valeur du vaccin, de l’identification de la maladie, à la vaccination des patients.
Nous avons de bonnes raisons de croire que la science l’emportera. Mais, dans une telle urgence de santé publique, réussir à mettre sur le marché un vaccin en moins de deux ans – sa durée moyenne de développement et d’enregistrement est de dix ans – sera un exploit.
Lutter contre une épidémie est une course contre la montre. Capturer ce sentiment d’urgence nous oblige à nous poser certaines questions pour l’Après : exploiter de nouvelles technologies pour accélérer le développement et la gestion des essais cliniques, revoir et rationaliser le processus réglementaire conjointement avec les autorités de santé, par exemple en identifiant de façon proactive et créative les engagements réglementaires, etc.
Sachons tirer les enseignements du Covid-19, nous le devons aux patients. Changeons nos pratiques et bâtissons ensemble un monde dans lequel personne ne meurt d’une maladie évitable par la vaccination.
(1) Alliance pour les sciences de la VIE et de la SANté